Photo de famille

Il y a environ un an, le photographe de mode Ola Rindal quittait Paris où il travaillait depuis 20 ans pour retourner dans le minuscule village de Norvège qui l’a vu grandir. Contrairement à la plupart de ses pairs, Ola est un être délicat et taciturne, grand gabarit adepte des vêtements simples. Profondément intrigué par sa personnalité et ses clichés, où la lumière est présentée avec une exquise sensibilité, j’ai mis un point d’honneur à lui demander de shooter pour moi tous les deux ou trois ans, quand je me rendais à Paris et que j’avais besoin des services d’un photographe.

La femme d’Ola est japonaise. Et sublime. Quand je me suis rappelé qu'il avait deux enfants, nous lui avons demandé s’il accepterait de photographier sa famille chez eux, pour nous, si on leur faisait parvenir des vêtements qu'ils porteraient comme ils l’entendent. Sa réponse fut claire et nette : OK.

Après plusieurs semaines d'attente, nous avons eu le plaisir de recevoir 100 photographies mettant en scène Ola, qui n’a pas changé, et sa magnifique famille. Au-delà de leur aspect mode, ces photos ont aussi un caractère documentaire. Plus romantiques que celles qu’il shootait à Paris, peut-être même un brin sentimentales. Les photos d’Ola ont été prises par sa femme Madoka, celle d’Ola et de Madoka par un ami venu leur rendre visite.

Je pourrais regarder ces clichés pendant des heures sans m’en lasser. Cette capacité de la famille d’un autre à éveiller des sentiments aussi puissants est difficile à expliquer. Ola et moi sommes certes amis, mais pas proches à ce point. Et pourtant, grâce à son approche sincère et à la qualité extraordinaire de la lumière qu’il sait capter comme personne, je pourrais regarder ces photos à l’infini.

Cela m'a fait me rendre compte qu’il y a bien longtemps que je n’ai pas photographié ma famille à moi. Et puis ça m'a aussi rappelé l’immense importance de veiller sur sa deuxième famille – nos « voisins », souvent bien plus que des voisins. Il n’y a pas que les smartphones dans la vie. Je cherche à remettre la main sur mon vieil appareil, celui que j’utilisais constamment à l’époque.