
Dans ce Japon si loin de mon pays natal, je mène une vie tranquille et sûre.
M. Massamba, originaire de République Démocratique du Congo en Afrique, travaille dans la boutique UNIQLO de Ginza.
LA PUISSANCE DU
VÊTEMENT
Juin 2024 n° 26
Alors que j’étais désorienté, j’entends une voix me dire « je peux vous aider ? »
Et si, persécuté dans son pays natal, il n’était plus possible d’y vivre... Ancienne colonie belge, la République Démocratique du Congo sombra après l’indépendance dans une longue litanie de conflits et de guerres civiles, forçant de nombreux habitants à fuir leur pays. Sur les conseils d’un cousin fonctionnaire, M. Massamba, professeur de géographie et de mathématiques, choisit il y a 16 ans le Japon, plutôt que l’Europe, comme terre d’asile.
Photographies de Shinsuke Kamioka
Quand j’ai atterri au Japon après un long voyage et plusieurs correspondances, fuyant mon pays natal, la République Démocratique du Congo, je me retrouvais dans un pays où je n’avais ni famille ni la moindre connaissance. Je ne parlais pas non plus la langue. J’ai passé la première nuit dans un hôtel de Ginza que j’avais réservé avant mon départ, mais il était urgent pour moi de trouver un hébergement moins cher et de déposer ma demande d’asile. Où aller ? Quelles démarches faire ? Je n’en savais rien. C’était en 2008, et à l’époque, je n’avais pas de smartphone.
J’ai réglé ma note d’hôtel le lendemain matin, et je suis parti avec mes bagages, tournant en rond dans Ginza. Était-ce parce que j’avais l’air désorienté ? Toujours est-il qu’un Japonais m’adressa la parole en anglais. « Vous êtes perdu ? Vous avez besoin d’aide ? », me demanda-t-il avec gentillesse. « Pourriez-vous me dire où se trouve le bureau des demandeurs d’asile de l’ONU ? » lui répondis-je en anglais. « Je vais regarder ça, » me répondit-il et il m’invita à le suivre jusqu’à son entreprise. Il fit des recherches avec ses collègues, passa quelques coups de fil, et me tendit une note où était inscrite une adresse, en me disant qu’il pensait que cela devait être ma destination.
« Vous savez prendre le métro tout seul ?
– Non, je viens tout juste d’arriver hier.
– Vous avez de l’argent ?
– Un peu.
– Alors le plus simple est encore de montrer ce papier à un chauffeur de taxi et de lui dire de vous y emmener. »
Et il appela un taxi.

M. Massamba répondant à notre interview dans l’arrière-boutique de UNIQLO de Ginza. Un homme doux, à l’écoute de ses interlocuteurs.

République Démocratique du Congo (RDC) (d’après les données du Ministère des Affaires du Japon étrangères)
Située au centre du continent africain, la RDC est le 11e pays le plus vaste au monde. La région près de la frontière est recouverte de montagnes à très haute altitude avec des sommets recouverts de glace, tandis qu’ailleurs ce sont des forêts tropicales, de hauts plateaux ou encore une vaste plaine en cuvette. Au centre coule le fleuve Congo, dont est traversée la capitale Kinshasa, une métropole moderne abritant une population quasi équivalente à celle de Tokyo. Malgré la fin du régime dictatorial, les conflits internes perdurent, et d’après le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), ceux-ci sont responsables de plus de 8 millions de réfugiés.
Histoire
Colonie belge du XXe siècle, le territoire acquit son indépendance en 1960, mais les assassinats et les coups d’État se succédant, il plongea dans un état de guerre civile constant. Rebaptisé Zaïre en 1971, puis République Démocratique du Congo en 1997, le pays n’est toujours pas parvenu à une stabilité politique.
Économie
Un des pays les plus pauvres au monde, son sous-sol abrite pourtant de riches ressources minières. Le rapport « Mineral Commodity Summaries 2024 » indiquait qu’il se plaçait au premier rang mondial des réserves de cobalt, au 4e rang pour le cuivre, et au 8e rang pour l’étain, mais celles-ci financent aussi les conflits, si bien que la population ne bénéficie guère de cette manne.
Culture
Avec sa grande diversité d’ethnies et de langues, son ancrage européen du fait de son passé colonial et l’influence du christianisme, dont 80% de la population se revendique, il est difficile de trouver un élément culturel unique emblématique du Congo. Le système scolaire n’est pas suffisamment efficace pour couvrir de façon adéquate toute la population.
Étonné par les matelas à même le sol en guise de couchage
Arrivé à destination du côté de Shibuya, je voulais payer en dollars, mais le chauffeur déconcerté me fit comprendre qu’il n’acceptait pas les dollars. Comme je n’avais pas d’autres devises, il m’emmena vers une banque où je pouvais faire le change. Alors que j’étais en train de remplir les formalités pour obtenir des yens, le hasard voulut qu’un Africain passait par là. Il m’aborda et me demanda si j’avais un problème. Je lui détaillais alors ma situation. « Mais l’adresse où tu te rends est celle d’une association qui aide les demandeurs d’asile, ce n’est pas là qu’on peut déposer sa demande d’asile, » m’expliqua-t-il. Je remerciais donc le chauffeur et payais ce que je lui devais, puis, en compagnie de cet Africain, nous nous sommes dirigés vers un poste de police.
Le policier me conseilla très gentiment de m’adresser à la JAR (Japan Association for Refugees), et appela un autre taxi. La JAR me prit en charge, m’expliqua comment faire les démarches pour déposer ma demande d’asile auprès de l’Immigration japonaise, me donna les informations nécessaires pour pouvoir me débrouiller dans Tokyo, à commencer par un plan de la ville, et m’indiqua un foyer où je pourrais rester vivre quelque temps. Je m’y rendis donc , et quelle ne fut ma surprise quand je découvris qu’il n’y a pas de chambre avec des lits, mais seulement des pièces où on étalait son matelas sur le sol recouvert de tatamis. C’était la première fois que je voyais des tatamis. C’est ainsi qu’aidé par des inconnus, je vécus ma deuxième journée au Japon – une longue journée pleine de découvertes étonnantes.
Fuir mon pays en proie aux conflits
Je suis né en 1975 à Mbanza-Ngungu, ville située dans l’ouest de la RDC, à environ 100 km au sud-ouest de la capitale Kinshasa. Elle abrite une population de quelque 100.000 habitants et est le siège de l’Université Kongo. Depuis l’indépendance, les conflits se poursuivent au Congo, avec régulièrement des assassinats et des coups d’état. Beaucoup de Congolais ont perdu la vie, mais quitter le pays n’est pas chose facile.
Les premières élections présidentielles et législatives ont eu lieu en 2006, mais comme j’avais milité dans un parti qui s’opposait au gouvernement en place, je me sentais en danger. D’ailleurs, un cousin fonctionnaire m’a prévenu qu’il fallait que je quitte rapidement le pays avant que l’on ne m’arrête.
La RDC est une ancienne colonie du Royaume de Belgique, si bien que le français est une langue officielle du pays, et nous sommes habitués à la culture européenne. J’ai d’abord pensé à faire une demande de visa auprès de l’Ambassade de France ou du Royaume-Uni, mais les Congolais dans la même situation que moi pensaient la même chose ; dès 4h du matin, il y avait de longues queues devant les ambassades dans l’espoir d’obtenir le sésame, et personne ne savait si et quand on l’obtiendrait, vu l’affluence de demandes.
Je demandais de nouveau conseil à mon cousin qui me dit que je ne pouvais plus attendre, que c’était dangereux pour moi : « Prends ça et dépêche-toi de te rendre à l’Ambassade du Japon, » me dit-il en me remettant un passeport de service qu’il avait réussi à m’obtenir. Ce que je fis, et j’obtins le visa. Sans plus attendre, je fis mes bagages et organisais mon voyage.
Au pays, j’enseignais la géographie et les mathématiques. J’avais comme image du Japon, un pays développé, de haute technologie. Mais je ne connaissais absolument rien de sa langue ou de la culture. Beaucoup d’Africains trouvent refuge en Europe, mais je n’avais jamais entendu parler de quelqu’un qui avait fui au Japon. Mais puisque j’avais obtenu un titre de séjour, je me dis que je ne devais pas laisser passer ma chance.
Le parcours d’un réfugié jusqu’à l’obtention d’un emploi
Exemple du parcours du demandeur d’asile entre le moment où il arrive sur le sol japonais et l’obtention du statut de réfugié.
1. Demande d’asile
Après l’arrivée au Japon, dépôt d’une demande d’asile auprès de l’Agence des Services de l’Immigration : elle consiste en la soumission de formulaires dûment remplis et un entretien.
2. S’adresser à l’Association japonaise pour les réfugiés (JAR) ou au Centre d’aide des réfugiés (RHQ)
Ces organismes offrent une aide financière aux demandeurs d’asile dans le besoin, pour couvrir le quotidien, l’hébergement et les frais médicaux.
3. Activités spécifiques
Un permis de séjour limité dans le temps pour activités spécifiques est délivré, permettant d’attendre légalement au Japon la décision concernant le statut de réfugié.
4. Statut de réfugié
Si le statut de réfugié est accordé, il devient alors possible de s’installer définitivement et de travailler au Japon. Le RHQ propose aux personnes ayant obtenu ce statut un programme d’aide à l’installation au Japon, qui comprend des cours de japonais, une initiation à la vie au Japon et une assistance pour trouver un emploi.
5. Emploi
Une fois au courant des coutumes pour travailler au Japon, le réfugié peut se mettre à la recherche d’un emploi, tout en continuant à perfectionner ses connaissances de la langue japonaise. Les entreprises recrutant activement des réfugiés ne représentent encore qu’une minorité.
Un poulet rôti à la française comme déclic
J’ai commencé à vivre au Japon, et la JAR m’a précieusement aidé à remplir les formulaires nécessaires. J’ai déposé tous les documents nécessaires à l’Immigration, mais obtenir le statut de réfugié au Japon n’a pas été chose facile. Mon problème, c’est que j’étais entré au Japon avec un passeport de service. Si j’avais utilisé mon vrai nom, j’aurais probablement été arrêté lors des formalités de sortie du pays, donc mon cousin m’avait fourni un passeport avec un nom de l’ethnie au pouvoir – et si j’ai aussi pu obtenir rapidement un visa pour le Japon, c’est parce qu’il s’agissait d’un passeport de service, c’est-à-dire délivré pour des agents qui se rendent en mission officielle au Japon.
Mais pour les autorités japonaises, j’étais entré au Japon avec un faux passeport qui n’était pas à mon vrai nom, et j’étais donc dans l’illégalité, quelle que soit la raison qui pourrait le justifier, et ma demande d’asile n’était pas recevable. Bien que ma première demande d’asile ait été rejetée, j’obtins une carte de résident étranger temporaire, mais je n’avais pas le droit de travailler.
Je ne pouvais pas rester à ne rien faire, il fallait que je trouve les moyens de vivre au Japon. Je me suis alors rendu au Centre d’aide aux réfugiés (RHQ), qui m’a apporté divers types d’assistance, et m’a aussi indiqué des cours de japonais, auprès d’une association appelée Kalabaw, qui offre un soutien aux travailleurs immigrés ou aux réfugiés.
Outre des cours de japonais, L’Association propose diverses activités pour mieux comprendre la culture japonaise. Je suis devenu un élève assidu, et l’Association Kalabaw m’a soutenu pour les choses de la vie courante pendant de longs mois. Je leur suis aujourd’hui encore extrêmement reconnaissant.
Je parle bien sûr français couramment, mais je ne suis pas très à l’aise en anglais. Mais la communication avec les bénévoles se passait essentiellement en anglais, et je n’arrivais pas bien à expliquer ce qui se passait politiquement au Congo, les conflits tragiques qui s’y déroulaient et ma situation personnelle.
Un jour, l’Association Kalabaw organisa une petite fête pour favoriser les échanges avec la communauté locale. Tous ensemble, avec les bénévoles, les immigrés, les réfugiés, nous avons proposé des stands avec des mets régionaux pour collecter des fonds pour l’association. Je tenais le stand de poulet rôti, une recette française très prisée au Congo. Un professeur d’une université japonaise s’est approché, et a pris une portion en me disant « c’est un goût qui me rappelle de bons souvenirs... » Apparemment, il avait fait des études en France et c’était un plat qu’il aimait beaucoup. « Vous parlez français ? » me demanda-t-il, et nous avons alors pu engager la conversation en français. Le professeur comprit bien la situation de la RDC et les raisons pour lesquelles j’avais fui le pays et put transmettre tout cela avec précision aux membres de l’Association Kalabaw. Ce fut le déclic qui permit à l’Association de renforcer encore son aide à mon égard, considérant que ma situation méritait que j’obtienne l’asile au Japon. Les démarches furent longues, nous avons dû demander l’aide d’un avocat et aller jusqu’en justice, mais finalement, j’ai obtenu gain de cause.
Quand le tribunal a tranché et que j’ai enfin obtenu le statut de réfugié, j’avais déjà passé 7 ans au Japon. Il est très difficile de raconter brièvement tout ce qui s’est passé pendant ces 7 années. Aujourd’hui, j’ai la chance de travailler ici dans la boutique UNIQLO de Ginza, mais ce que je chéris le plus, c’est la sécurité que je ressens de savoir que je peux penser sereinement à l’avenir.
J’ai deux enfants, un garçon de 4 ans et un bébé de 7 mois. Ce n’est pas toujours facile la vie avec des enfants (rires). Malheureusement, tous les deux grandiront sans connaître le Congo. L’aîné parle déjà quatre langues : le lingala (une des langues locales du Congo), l’anglais, le japonais et le français. C’est encore l’anglais qu’il parle le mieux, sans doute parce que les dessins animés qu’il aime le plus sont en anglais. Ma femme est plus à l’aise en français. Elle comprend l’anglais, mais elle a un peu de mal à le parler.
À Kinshasa, la langue la plus utilisée est le lingala. Dans l’est du pays, on parle plutôt le swahili, dans l’ouest le kikongo et dans le centre-ouest, le tshiluba. Dans le pays, on communique grosso modo dans ces quatre langues, mais il y a plus de 450 ethnies sur le territoire. Le lingala reste la langue qui est comprise à peu près partout en RDC.
Mais comme nous n’avons pas de livres pour enseigner le lingala aux enfants, ma femme et moi nous efforçons de parler tous les jours en lingala à la maison. Même sans livre, on peut apprendre une langue, on peut l’utiliser. J’aimerais que les enfants puissent parler le lingala, parce qu’un jour viendra peut-être où nous pourrons rentrer au Congo...
Il y a une chose que je ne peux oublier du Congo, c’est son climat. Dans l’ouest où je suis né, face à la mer, nous avons un climat tropical de savane, c’est un peu comme si l’automne japonais se poursuivait toute l’année, c’est un climat très agréable à vivre. Quand les Portugais arrivèrent au royaume du Kongo au XVe siècle, c’est dans ma région, face à la mer, qu’ils débarquèrent. Les relations commerciales étaient relativement égalitaires jusqu’au XVIe siècle avant que ne débute la traite des esclaves. À partir de cette période et de la colonisation par les Européens, le Congo allait connaître un chemin difficile semé d'embûches et de souffrances.
J’ai commencé à vivre au Japon, et la JAR m’a précieusement aidé à remplir les formulaires nécessaires. J’ai déposé tous les documents nécessaires à l’Immigration, mais obtenir le statut de réfugié au Japon n’a pas été chose facile. Mon problème, c’est que j’étais entré au Japon avec un passeport de service. Si j’avais utilisé mon vrai nom, j’aurais probablement été arrêté lors des formalités de sortie du pays, donc mon cousin m’avait fourni un passeport avec un nom de l’ethnie au pouvoir – et si j’ai aussi pu obtenir rapidement un visa pour le Japon, c’est parce qu’il s’agissait d’un passeport de service, c’est-à-dire délivré pour des agents qui se rendent en mission officielle au Japon.
Mais pour les autorités japonaises, j’étais entré au Japon avec un faux passeport qui n’était pas à mon vrai nom, et j’étais donc dans l’illégalité, quelle que soit la raison qui pourrait le justifier, et ma demande d’asile n’était pas recevable. Bien que ma première demande d’asile ait été rejetée, j’obtins une carte de résident étranger temporaire, mais je n’avais pas le droit de travailler.
Je ne pouvais pas rester à ne rien faire, il fallait que je trouve les moyens de vivre au Japon. Je me suis alors rendu au Centre d’aide aux réfugiés (RHQ), qui m’a apporté divers types d’assistance, et m’a aussi indiqué des cours de japonais, auprès d’une association appelée Kalabaw, qui offre un soutien aux travailleurs immigrés ou aux réfugiés.
Outre des cours de japonais, L’Association propose diverses activités pour mieux comprendre la culture japonaise. Je suis devenu un élève assidu, et l’Association Kalabaw m’a soutenu pour les choses de la vie courante pendant de longs mois. Je leur suis aujourd’hui encore extrêmement reconnaissant.

Je parle bien sûr français couramment, mais je ne suis pas très à l’aise en anglais. Mais la communication avec les bénévoles se passait essentiellement en anglais, et je n’arrivais pas bien à expliquer ce qui se passait politiquement au Congo, les conflits tragiques qui s’y déroulaient et ma situation personnelle.
Un jour, l’Association Kalabaw organisa une petite fête pour favoriser les échanges avec la communauté locale. Tous ensemble, avec les bénévoles, les immigrés, les réfugiés, nous avons proposé des stands avec des mets régionaux pour collecter des fonds pour l’association. Je tenais le stand de poulet rôti, une recette française très prisée au Congo. Un professeur d’une université japonaise s’est approché, et a pris une portion en me disant « c’est un goût qui me rappelle de bons souvenirs... » Apparemment, il avait fait des études en France et c’était un plat qu’il aimait beaucoup. « Vous parlez français ? » me demanda-t-il, et nous avons alors pu engager la conversation en français. Le professeur comprit bien la situation de la RDC et les raisons pour lesquelles j’avais fui le pays et put transmettre tout cela avec précision aux membres de l’Association Kalabaw. Ce fut le déclic qui permit à l’Association de renforcer encore son aide à mon égard, considérant que ma situation méritait que j’obtienne l’asile au Japon. Les démarches furent longues, nous avons dû demander l’aide d’un avocat et aller jusqu’en justice, mais finalement, j’ai obtenu gain de cause.
Quand le tribunal a tranché et que j’ai enfin obtenu le statut de réfugié, j’avais déjà passé 7 ans au Japon. Il est très difficile de raconter brièvement tout ce qui s’est passé pendant ces 7 années. Aujourd’hui, j’ai la chance de travailler ici dans la boutique UNIQLO de Ginza, mais ce que je chéris le plus, c’est la sécurité que je ressens de savoir que je peux penser sereinement à l’avenir.
J’ai deux enfants, un garçon de 4 ans et un bébé de 7 mois. Ce n’est pas toujours facile la vie avec des enfants (rires). Malheureusement, tous les deux grandiront sans connaître le Congo. L’aîné parle déjà quatre langues : le lingala (une des langues locales du Congo), l’anglais, le japonais et le français. C’est encore l’anglais qu’il parle le mieux, sans doute parce que les dessins animés qu’il aime le plus sont en anglais. Ma femme est plus à l’aise en français. Elle comprend l’anglais, mais elle a un peu de mal à le parler.
À Kinshasa, la langue la plus utilisée est le lingala. Dans l’est du pays, on parle plutôt le swahili, dans l’ouest le kikongo et dans le centre-ouest, le tshiluba. Dans le pays, on communique grosso modo dans ces quatre langues, mais il y a plus de 450 ethnies sur le territoire. Le lingala reste la langue qui est comprise à peu près partout en RDC.
Mais comme nous n’avons pas de livres pour enseigner le lingala aux enfants, ma femme et moi nous efforçons de parler tous les jours en lingala à la maison. Même sans livre, on peut apprendre une langue, on peut l’utiliser. J’aimerais que les enfants puissent parler le lingala, parce qu’un jour viendra peut-être où nous pourrons rentrer au Congo...
Il y a une chose que je ne peux oublier du Congo, c’est son climat. Dans l’ouest où je suis né, face à la mer, nous avons un climat tropical de savane, c’est un peu comme si l’automne japonais se poursuivait toute l’année, c’est un climat très agréable à vivre. Quand les Portugais arrivèrent au royaume du Kongo au XVe siècle, c’est dans ma région, face à la mer, qu’ils débarquèrent. Les relations commerciales étaient relativement égalitaires jusqu’au XVIe siècle avant que ne débute la traite des esclaves. À partir de cette période et de la colonisation par les Européens, le Congo allait connaître un chemin difficile semé d'embûches et de souffrances.

Au rayon hommes, il s’occupe de tout : le réassort, les ourlets, etc.
Retrouver son sac intact avec son portable et son portefeuille
Ce que j’aime au Japon, c’est le calme qui y règne. On prend le bus ou le train, mais les voyageurs ne parlent pas trop entre eux, c’est tranquille, serein. Au Congo, tout le monde parle à voix haute dans le bus ou dans le train, c’est très bruyant (rires).
Et j’ai été très surpris qu’on rendre les objets perdus à leur propriétaire. J’ai oublié une fois mon sac qui contenait mon portable et mon portefeuille dans le train. Quand je m’en suis rendu compte, j’ai tout de suite appelé à la gare, et le personnel s’est mis en quatre pour le retrouver, mais malheureusement sans succès. Quand j’ai contacté plus tard le bureau des objets perdus, j’ai appris qu’on le leur avait rapporté...
Et quand je m’y suis rendu pour le retrouver, j’ai pu constater que tout y était, y compris mon portable et mon portefeuille et qu’on ne m’avait absolument rien dérobé ! Je n’en revenais pas ! Je ne peux que remercier profondément la personne qui a eu la gentillesse de le rapporter. Si cela s’était passé au Congo, je n’aurais sans doute rien retrouvé, et même si le sac avait refait surface, il aurait été vidé de son contenu : plus de portable ni de portefeuille.
Aider les réfugiés dans l’angoisse, dans l’attente de l’acceptation de leur dossier d’asile.
Je travaille à la boutique UNIQLO de Ginza depuis 2017.
Voilà donc maintenant 7 ans, et je suis en charge des 8e, 9e et 10e étages, c’est-à-dire les collections hommes. Je suis polyvalent, parfois je suis à caisse, parfois je conseille les clients aux cabines d’essayage, parfois je m’occupe de disposer la marchandise dans les rayons. Nous accueillons beaucoup de clientèle étrangère, et je suis très occupé, mais j’apprécie mon métier, cela me plaît beaucoup.
J’ai pu faire venir ma femme du Congo. Nos deux enfants sont nés au Japon. Plus que tout, mon travail ici me permet d’offrir à ma famille sécurité et tranquillité d’esprit, c’est ce qu’il y a de plus précieux pour moi. Je suis arrivé au Japon pratiquement par hasard, mais je suis vraiment heureux que ce soit un pays calme et tranquille.
Je réfléchis aujourd’hui à la façon dont je pourrais aider des réfugiés qui se retrouvent dans une situation similaire à celle que j’ai connue. Notamment ceux qui sont en attente de savoir si leur demande d’asile sera acceptée ou non : chaque jour, ils vivent dans l’angoisse, ne sachant ce qui les attend. Si je peux les encourager, leur apporter un peu de soutien, j’ai l’impression que c’est une façon de rendre aussi toute la bienveillance dont j’ai moi-même bénéficié.
Contrairement au moment où je suis arrivé, il y a désormais au Japon une communauté africaine, une communauté congolaise. Je pense qu’il est bien de tirer parti de ces liens pour apporter une assistance.
Aujourd’hui, je peux suivre sur Internet au quotidien ce qui se passe en RDC. Quand les choses seront normalisées, avec un pays démocratique et sécurisé, je voudrais rentrer avec ma famille. J’espère sincèrement que ce jour viendra.


Le café UNIQLO COFFEE au 12e étage de la boutique UNIQLO de Ginza et le fleuriste UNIQLO FLOWER au rez-de-chaussée côté rue Suzuran
Le Programme RISE d’UNIQLO : recruter du personnel de vente parmi les réfugiés
Une réflexion sur ce que pouvait faire UNIQLO en tant qu’entreprise responsable de mode a abouti à mettre en place un programme d’aide vestimentaire, qui consiste à installer des bacs de recyclage dans les boutiques où les clients peuvent déposer leurs vêtements usagés, à les trier et à en faire don aux personnes qui en ont besoin dans les camps de réfugiés à travers le monde. À ce jour, 54,63 millions d’articles ont ainsi été distribués dans 80 pays (chiffre cumulé à fin août 2023).
En 2011, UNIQLO a également lancé son programme RISE pour « Refugee Inclusion Supporting and Empowerment » [Soutien à l’inclusion et à l’autonomisation des réfugiés], qui vise à recruter du personnel de vente parmi les réfugiés, considérant qu’il était essentiel de leur offrir des opportunités d’emploi, pour qu’ils puissent mener une vie stable dans leur pays d’accueil.
S’appuyant sur le soutien d’associations, UNIQLO organise des entretiens d’embauche ; les réfugiés dont la candidature a été retenue bénéficient d’une formation spécifique pendant laquelle on leur explique la philosophie de l’entreprise et les méthodes de vente, ainsi que d’un stage d’apprentissage du japonais pratique pour travailler dans les boutiques (ou de la langue locale en cas de recrutement à l’étranger), qui se déroule en plusieurs séances pendant l’année.
Un tel environnement de travail contribue, non seulement au développement professionnel des réfugiés recrutés, mais aussi à sensibiliser les directeurs de boutiques, les formateurs, le personnel qui travaillent avec eux, et par là même à approfondir la compréhension mutuelle.
À fin avril 2024, 46 réfugiés travaillaient dans 33 boutiques UNIQLO au Japon. Le programme s’étend progressivement dans d’autres boutiques aux États-Unis et en Europe et dans d’autres filiales du groupe et a vocation à se développer encore, car les liens de coopération mutuelle qui se tissent entre ceux et celles qui travaillent sur un même site, quelles que soient leurs origines ou leurs personnalités, sont essentiels.
Permettre aux réfugiés de travailler comme membres à part entière d’UNIQLO participe à diffuser au quotidien les principes de respect de la diversité, qui est au cœur de la philosophie de l’entreprise.
Comment faire pour travailler et vivre au Japon ? S’adresser au Centre d’aide aux réfugiés (RHQ)
Le Centre d’aide aux réfugiés a été créé en 1979 quand le gouvernement japonais décida d’accueillir des réfugiés d’Indochine (Vietnam, Cambodge, Laos). Mandatée par l’État, cette organisation offre plusieurs types d’assistance aux réfugiés et demandeurs d’asile en vue de leur installation au Japon.
Dans l’attente du traitement de leur dossier, les demandeurs d’asile entrés sur le territoire japonais qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins peuvent d’abord bénéficier d’un minimum vital, d’un logement et de la prise en charge de leurs frais médicaux pour une durée en principe de 4 mois.
Cette durée peut être prolongée au cas par cas, par exemple pour des personnes malades ou accompagnées d’enfants en bas âge. Pendant la durée nécessaire pour statuer de leur cas, les demandeurs d’asile reçoivent en général un statut temporaire reconductible de résidence de deux ou trois mois, dit « pour activités spécifiques », mais il peut arriver qu’on leur octroie, au bout d’un an, un statut pour activités spécifiques d’une durée plus longue, assorti d’un permis de travail. Sans permis de travail, il est difficile d’obtenir un emploi ; l’attente pour obtenir le statut de réfugié est donc la période la plus compliquée pour les demandeurs d’asile.
Ceux qui obtiennent le statut de réfugié peuvent ensuite, s’ils le souhaitent, bénéficier du programme d’aide à l’installation au Japon proposé par le RHQ. Celui-ci comprend un cursus de 6 mois en sessions de jour ou d’un an en sessions du soir pour apprendre le japonais et pour s’initier à la vie au Japon. Pour ceux qui habitent loin des centres de formation, des hébergements peuvent également leur être proposés à proximité.
L’initiation à la vie au Japon permet de se familiariser avec les coutumes locales, par exemple les formalités pour inscrire son enfant à la crèche ou à l’école, ou encore les règles à respecter pour trier ses ordures, qui peuvent varier d’une municipalité à l’autre. Une aide à l’embauche est également offerte pendant cette période. Le RHQ se mobilise sans relâche pour trouver des débouchés en agissant auprès des entreprises ou des chambres de commerce et d’industrie locales.
Par le passé, les réfugiés étaient principalement originaires d’Asie, mais ces dernières années, on enregistre une augmentation des réfugiés en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique. Parmi les participants au programme d’aide à l’installation des réfugiés, beaucoup sont diplômés du supérieur, avec une demande grandissante pour des métiers de plus en plus divers. D’où l’importance d’élargir l’éventail des catégories d’emploi pour répondre aux souhaits, et de contribuer à construire une société ouverte à toutes et à tous, notamment aux personnes issues d’horizons culturels ou religieux pluriels, ou ayant des modes de vie différents. Mais par-dessus tout, l’essentiel est d’apprendre à se comprendre mutuellement.
30% des collaborateurs de la boutique UNIQLO de Ginza sont de nationalité étrangère : le moteur d’une boutique dynamique.
L'ambiance change d'un étage à l'autre, qu'il s'agisse du café du douzième étage ou du magasin de fleurs du premier. Thidar, membre du personnel, est un réfugié du Birmanie.

Dhita travaille au rayon femmes. On la voit ici à l’espace UTme! expliquer méticuleusement à une cliente comment fabriquer son T-shirt personnalisé.

À quelques minutes à pied du carrefour central de Ginza-4-chome se trouve la boutique UNIQLO de Ginza (sis à Ginza-6-chome), où travaillent 320 collaborateurs dont un peu plus d’un tiers, soit environ 110 personnes, sont de nationalité étrangère. Trois d’entre eux ont été recrutés via le programme RISE (cf. encadré à gauche).
Quand on se promène dans les rayons du rez-de-chaussée au 12e niveau de la boutique UNIQLO de Ginza un jour de semaine un peu après 15h, on se rend vite compte que 90% des personnes que l’on croise ne sont pas Japonaises... et qu’une bonne partie du personnel aussi doit être de nationalité étrangère.
À chaque étage, la disposition et le décor sont différents, mais la lumière naturelle vient délicieusement baigner l’intérieur, ce qui rend la visite agréable. Au 12e niveau, un café très simple avec des sofas le long du mur accueille des clients, sans doute étrangers, désireux d’une petite pause dans leurs emplettes. L’ambiance semble plus New York (?) que Ginza !
Et si on tend l’oreille pour écouter en quelle langue les vendeurs s’adressent aux clients, on entend bien sûr de l’anglais, mais aussi plein d’autres langues, le tout dans une atmosphère détendue, où se mêlent clients fidèles et vendeurs attentionnés.
Au 5e étage, on peut commander à l’espace UTme! un T-shirt ou un sac original personnalisé avec sa photo préférée ou une illustration de son choix. Thidar, qui accueille et guide de nombreux clients à ce comptoir, fait partie des bénéficiaires du programme RISE.
Demande d’asile refusée
Thidar a fui la Birmanie pour le Japon en 2007.
La Birmanie est devenue une colonie britannique dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Un temps occupé par le Japon pendant la Deuxième Guerre mondiale, le pays obtint son indépendance en 1948 sous le nom officiel de République de l’Union de Birmanie (nom modifié en 1989 en « Union de Birmanie » par le régime militaire au pouvoir à l’époque).
La Birmanie connut ensuite des coups d’État et des conflits à répétition, et continue d’être dirigée par une junte militaire. D’après le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), suite à l’intensification de la répression et des conflits armés, 61 700 personnes auraient fui vers les pays voisins depuis 2021 et 2,9 millions de personnes seraient des déplacés internes.
Quand le régime militaire se mit à réprimer brutalement les manifestations de 2007, Thidar, se sentant en danger, décida de contacter sa sœur aînée et son beau-frère qui vivaient déjà au Japon comme réfugiés, et quitta seule la Birmanie.
Elle arriva saine et sauve au Japon, et déposa immédiatement une demande d’asile auprès de l’Immigration, mais celle-ci fut rejetée. Elle obtint seulement un statut temporaire de résidente pour « activités spécifiques ». Ce statut permet de travailler dans des secteurs agréés par le Ministre de la Justice pour une période pouvant aller de 3 mois à 5 ans maximum. On accorda à Thidar uniquement 6 mois. Si on se présente aux services d’Immigration avant l’expiration du délai autorisé, et si, au terme d’un entretien, la situation du demandeur est jugée justifiée, il est possible de se voir accorder une prolongation de la durée du séjour.
Thidar obtint des prolongations de 6 mois de son statut de résidente pour « activités spécifiques » à plusieurs reprises, puis d’un an. Ce n’est qu’au bout de la 6e année qu’elle décrocha enfin le statut de réfugiée qui lui permettait de s’installer définitivement au Japon.
Pendant tout ce temps, Thidar fit toutes sortes de petits jobs, travaillant dans la restauration, par exemple pour une chaîne de hamburgers ou dans un restaurant de brochettes yakitori. Le plus difficile au début pour elle, c’était d’apprendre par cœur le menu en japonais, une langue qu’elle ne lisait pas, et de comprendre sans se tromper les commandes des clients. De ces échanges avec les clients, elle saisit toute l’importance de bien maîtriser la langue pour pouvoir vivre et travailler au Japon. Un ami la présenta alors à l’association Support 21, une fondation qui aide les personnes en difficulté, comme les réfugiés, à acquérir leur autonomie. Thidar s’inscrivit alors aux cours de japonais proposés par une école gérée par cette association et s’investit pleinement dans l’étude de la langue.

Réunion du matin au 12e étage : ce jour-là, en mode décontracté pour récompenser les collaborateurs qui fêtent leurs 10 ans chez UNIQLO.
Son professeur de japonais lui recommande UNIQLO
Alors qu’elle continuait à vivre d’emplois précaires pour s’en sortir, Thidar reçut la nouvelle de l’hospitalisation de sa mère restée en Birmanie. Il lui fallut envoyer de l’argent pour payer les frais médicaux, et elle se retrouva dans une situation économique très tendue au Japon. Elle se dit alors qu’il lui fallait absolument trouver une source de revenus stable, si elle voulait arriver à vivre confortablement.
Un jour, un de ses professeurs à l’école de japonais lui demanda : « Thidar, ça ne te dirait pas de travailler chez UNIQLO ? » Elle aimait la mode et le job l’intéressait. Elle se dit que son professeur lui avait fait cette proposition parce qu’elle considérait qu’elle avait fait des progrès suffisants en japonais. Thidar était enthousiaste, et sans plus attendre, elle envoya son CV et les documents qu’on lui demandait après avoir vérifié auprès des bénévoles de Support 21 comment il fallait les remplir.
C’est ainsi que Thidar fut recrutée par UNIQLO par l’intermédiaire du programme RISE. Elle se présenta ensuite au siège d’UNIQLO où elle passa un entretien pour évaluer son niveau de japonais, puis elle commença à travailler tout en suivant le stage de langue prévu par le programme RISE. Thidar se souvient bien d’avoir ressenti à la fois du soulagement et de l’excitation...
UNIQLO a commencé à recruter des réfugiés en 2011. L’entreprise, les boutiques, les équipes ont accumulé ainsi de l’expérience tout au long de ses années. Tout en sachant que ces personnes ont connu diverses épreuves avant d’arriver là, le principe est de ne pas les surprotéger. On sait désormais communiquer efficacement pour qu’elles puissent travailler dans les mêmes conditions que les autres membres du personnel.
UNIQLO embauche également depuis plus de 20 ans des personnes avec un handicap. Le même principe s’applique pour eux. La considération envers autrui et la coopération entre les membres du personnel se transforment en moteurs efficaces dans les boutiques, améliorent la communication, et au final, font progresser la qualité et les résultats des points de vente. Cette philosophie est largement partagée chez UNIQLO.
Se faire naturaliser et un jour, avoir sa propre boutique
Thidar a été affectée à la boutique de Ginza.
Dans l’arrière-boutique, les notifications importantes sont affichées en japonais, mais aussi en phonétique hiragana et en anglais pour être sûr que le personnel étranger encore en stage de langue ne soit pas perdu. Cette façon de faire l’a rassurée, de même que de savoir qu’il y avait d’autres réfugiés en poste dans cette boutique. Mais ce qui fit le plus plaisir à Thidar, c’était de savoir qu’elle allait pouvoir exercer un métier qu’elle aimait, à savoir travailler dans la mode.
Au début, elle a été un peu embarrassée de constater qu’un bon nombre de clients la prenait pour une Japonaise. Pensant qu’elle comprenait, ils lui adressaient la parole en parlant vite, et Thidar ne comprenait pas toujours ce qu’on lui demandait. Elle les priait alors poliment de bien vouloir répéter, et c’est alors qu’on lisait son nom sur son badge. « Ah, vous n’êtes pas Japonaise », lui disait-on avant de répéter en parlant plus lentement. Même si cet échange pouvait lui paraître gênant, Thidar était vraiment reconnaissante que les clients ne le prennent pas mal et changent leur rythme de parole pour s’ajuster à son niveau.
Elle se rappelle qu’au début, elle ne comprenait que 20% de ce qui se disait pendant la réunion organisée tous les matins. Elle s’empressait alors de poser des questions à ses collègues pour s’assurer qu’elle avait bien compris l’essentiel, et personne ne lui en tint rigueur. Elle comprit qu’il lui suffisait de poser des questions pour arriver à suivre ce qui se passait. Cela lui donna confiance en elle.
Elle apprit aussi plein de choses nouvelles : les raisons pour lesquelles il fallait réduire les déchets en plastique, le recyclage des vêtements et l’importance de les envoyer dans les camps de réfugiés à travers le monde s’ils étaient encore portables. Travailler dans la boutique de Ginza lui permit de comprendre concrètement en quoi consistaient les activités en faveur du développement durable dans lesquelles UNIQLO est pleinement investi.
Thidar espère pouvoir se faire naturaliser et obtenir la nationalité japonaise. Tous les jours, elle suit les nouvelles de ce qui se passe en Birmanie, mais elle ne voit guère de signes d’amélioration de la situation. Elle s’entend bien avec ses collègues de Ginza et son travail lui plaît. Elle est maintenant bien familiarisée avec le mode de vie au Japon, et sa situation est stabilisée. Elle garde en elle ce rêve de pouvoir un jour ouvrir sa propre petite boutique de vêtements... et ce rêve grandit avec l’idée de la naturalisation.

Par M. Yuki Koda
Directeur général de la boutique UNIQLO de Ginza
Maintenir une attitude toujours positive est la clé pour créer un environnement où la différence est acceptée par tous comme une évidence.
À Ginza, nous accueillons des clients en provenance de plus de 130 pays. Moi-même j’ai dirigé la boutique de New York pendant 4 ans. Notre personnel aussi est cosmopolite, d’origine latino-américaine, chinoise, européenne, asiatique, africaine... Une diversité d’une grande richesse ! On peut certes instaurer comme principe que l’anglais soit la langue commune, mais dans notre environnement de travail, la différence ne fait pas polémique, c’est une évidence : à la base, tout le monde a une attitude positive, personne ne voit vraiment la langue comme une barrière. Quand je suis rentré au Japon, j’ai ressenti que la société japonaise avait généralement un peu du mal à accepter ce qui n’était pas comme les autres. Je pense pourtant qu’il est important d’avoir une critique constructive. En adoptant une attitude positive comme principe, les choses n’iront-elles pas dans la bonne direction ? En tout cas, c’est comme ça que je m’efforce de gérer cette boutique.

Takaya Nagai
Directeur par intérim de la boutique UNIQLO de Ginza
Vers un monde où la nationalité n'est jamais un problème.
L'UNIQLO de Ginza compte 320 employés, dont plus de 30 % viennent de l'étranger. Tous les jours, vous les entendrez aider les clients en japonais, en anglais et en chinois, mais aussi en coréen, en français, en russe, en thaïlandais, en mongol ou en vietnamien, selon l'équipe. Depuis peu, les clients utilisent des applications de traduction, ce qui réduit considérablement les barrières linguistiques. Chez UNIQLO, le principe de base du service est le suivant : « Servez-vous vous-même », ce qui permet aux clients de se sentir libres d'explorer le magasin. Si cependant un client a besoin d'aide, nous l'aidons avec courtoisie et gentillesse. Nous souhaitons créer un espace où la nationalité n'est jamais un problème, ni pour le personnel ni pour les clients. Je pense que cela confère à nos magasins une atmosphère légère et décontractée où chacun peut se sentir chez soi.
Courts commentaires du personnel de la boutique UNIQLO de Ginza

Kayo (Japonaise)
Un endroit où je peux m’épanouir. Je suis reconnaissante de pouvoir continuer à travailler agréablement même en étant enceinte de 7 mois.

Gerald (Philippin)
J’ai de nombreuses occasions de servir des clients en anglais ou en filipino, langues que je maîtrise bien, ce qui me rend mon travail quotidien d’autant plus agréable.

Natalia (Russe)
Cela fait un peu plus d’un an que j’ai été transférée de Shinjuku à Ginza. J’adore cette clientèle qui vient du monde entier.

Ayaka (Japonaise)
C’est enrichissant de communiquer au jour le jour avec des collègues de nationalité très diverses, et de pouvoir les aider le cas échéant.

Sasitorn (Thaïlandaise)
Il m’arrive d’entendre du thaïlandais, je me fais un plaisir d’aller adresser la parole à mes compatriotes. Je souhaite développer encore mes compétences.

Lin (Chinoise)
Je suis mère de trois enfants et je m’efforce de concilier vie professionnelle et vie familiale. Je cherche à rendre les rayons attirants pour tous.

Yuiko (Japonaise)
Je m’efforce de créer un environnement agréable pour les clients bien sûr, mais aussi pour tous ceux qui y travaillent.

Directeur, formateurs, collaborateurs de longue date ou employés du programme RISE, chacun a des fonctions différentes mais tout le monde partage la même ambiance.
UNIQLO GINZA
Adresse : |
1F-12F, Ginza Komatsu East Wing, 6-9-5 Ginza, Chuo-ku, Tokyo |
---|---|
Horaires d’ouverture : |
11 AM – 9 PM |
Articles : |
mode femme, homme, enfants, premier âge, maternité |
Accès : |
4 min. à pied de la sortie A2 de la station de métro Ginza |

Respecter la dignité humaine, avancer ensemble et se soutenir mutuellement.
M. Ayaki ITO
Représentant du bureau du HCR au Japon

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a été créé au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale pour secourir les réfugiés d’Europe et leur apporter des solutions. Mais en 70 ans, la situation des réfugiés à travers le monde a changé de façon spectaculaire. Aujourd’hui, on compte environ 110 millions de personnes qui ont été contraintes de fuir leur région natale pour cause de conflits, de persécutions, de violences et de violations des droits humains.
En même temps, les valeurs de tolérance et d’hospitalité qui prévalaient à l’encontre des réfugiés commencent à s’effriter dans les pays d’accueil. On constate depuis les années 2000 une tendance à privilégier l’unilatéralisme et son propre pays plutôt que la coopération internationale. Même les pays qui ont une longue tradition de soutien matériel et moral aux réfugiés éprouvent du mal à jouer ce rôle ces derniers temps. On entend souvent remonter des craintes et des inquiétudes concernant l’arrivée de réfugiés qui pourraient causer des frictions et des divisions dans le pays d’accueil.
Quand les Japonais entendent le mot « réfugié », la plupart éprouvent sans doute de la compassion pour leurs situations, mais aussi une sorte de fatalité insurmontable, se disant qu’ils ne peuvent rien y faire. Je pense que beaucoup considèrent qu’il est plus prudent de se tenir à l’écart de tout ce qui a trait aux « guerres civiles » ou à la « politique ».
Le Japon n’a certes pas connu de guerre civile depuis la fin de la guerre. Pourtant, la population nipponne sait bien ce qu’est une catastrophe naturelle et est bien consciente de ce que représente le risque de tout perdre, y compris sa maison, et d’être obligé de vivre dans un refuge. Je suis sûr que tout le monde connaît ce sentiment.
En ce sens, cela ressemble beaucoup au vécu des réfugiés, qui jusque-là menaient une vie tranquille, et qui subitement se voient privés de tout ce qui faisait leur quotidien, et se retrouvent obligés de quitter leur région natale. J’invite à faire ce parallèle pour mieux comprendre ce que signifié être réfugié.

Le rôle du HCR en tant qu’agence humanitaire est de se rendre dans les pays en proie à des guerres civiles et dans les pays voisins pour fournir une aide d’urgence aux réfugiés.
Mais l’urgence ne résout pas tout. Quand les situations perdurent et que les réfugiés ne peuvent rentrer chez eux, ils vont chercher à se construire une nouvelle vie dans un environnement où la langue et la culture sont différentes de ce dont ils ont l’habitude. Dans ce cas, il est important que le pays d’accueil aussi élabore des politiques, aussi bien au niveau de l’État qu’au niveau des collectivités locales, pour les aider dans ce nouveau départ. Sans le soutien, l’expertise et les connaissances d’institutions spécialisées, les réfugiés risquent rapidement de se retrouver isolés et dans l’impossibilité de s’en sortir. Leur avenir et leur sécurité dépendent bien sûr du soutien des gouvernements, mais aussi de celui de la société dans son ensemble.
Aujourd’hui j’attends beaucoup du secteur privé. J’aimerais voir se multiplier les programmes d’entreprises visant l’autonomisation des réfugiés, comme le programme RISE d’UNIQLO. En apprenant la langue, la culture, les modes de vie de leur pays d’accueil, les réfugiés acquièrent une autonomie, s’intègrent dans la communauté, participent activement à la vie locale et l’enrichissent de leur diversité. De tels programmes constituent une base solide pour mieux se comprendre, pour développer ensemble les compétences – et certainement pour créer des choses qu’on n’aurait pas imaginées.
Une fois qu’on a trouvé sa place dans la société, notamment à travers l’emploi, le terme « réfugié » n’a plus lieu d’être. Il s’agit simplement de respecter la dignité humaine, d’avancer ensemble, de se soutenir mutuellement. À partir du moment où chacun peut mettre en valeur ses capacités, c’est la communauté tout entière qui en bénéficie.
En tant que membres de la société, nous voulons tous que nos communautés progressent et soient durables. Pour cela, il nous faut des structures sociales capables d’accueillir de façon sûre les réfugiés. Je lance un appel à votre solidarité.
- Français
- English
Archive

N°25 Octobre 2023
La marque la plus populaire de la Scandinavie
Nikolina Johnston, à l'origine du premier magasin UNIQLO à Stockholm, était autrefois ailier droit d'une équipe de soccer.
En savoir plus

Numéro 24, Janvier 2023
Donner à la jeunesse les moyens de construire leur avenir
La légende du tennis Roger Federer et Tadashi Yanai ont discuté de l'importance d'aider la nouvelle génération.
En savoir plus

N°23 Octobre 2022
Si loin de chez moi
Née et élevée en Ukraine, Dariia Baranovska travaille aujourd'hui dans un magasin UNIQLO à Amsterdam.
En savoir plus